La colique néphrétique

«La pierre en la vessie» Ambroise Paré.

5h45 du matin. La tête enfarinée vous allez chercher un nième café. C’est raté. Monsieur L. 38 ans arrive hurlant de douleur en BOX 3 et rapidement l’infirmière vous interpelle «Doc’, je peux lui passer quoi pour la douleur ?». Jusqu'alors, vous n'aviez prescrit que du Doliprane (tout au mieux) pendant votre externat. Alors... Les premières fois vous avez envie de prendre vos jambes à votre cou et de disparaître (ou de fermer à double tour le BOX pour ne plus l'entendre... cela dépend de votre humeur). Les autres fois cela vous paraît évident et vous n’avez même plus envie de fuir.

1) Physiopathologie :

La colique néphrétique est un syndrome douloureux aigu lombo-abdominal résultant de la mise en tension brutale de la voie excrétrice du haut appareil urinaire en amont d'une obstruction quelle qu'en soit la cause.

La pathologie lithiasique est fréquente, elle atteint 5 à 10 % de la population, essentiellement entre 20 et 60 ans, touchant d'avantages les hommes. Sa prévalence annuelle a triplé en quarante ans. Après la découverte d’un premier calcul, les récidives sont fréquentes. Son caractère récidivant et les complications qu’elle engendre rendent nécessaires sa prévention et son traitement.

2) Colique néphrétique simple :

- Début brutal 
- Douleur aiguë, sans position antalgique
- Douleur lombaire unilatérale irradiant vers les organes génitaux externes 
- Évolution par crises paroxystiques 
- Agitation et anxiété 
- Signes fonctionnels urinaires : pollakiurie, brûlures mictionnelles, hématurie 
- Signes digestifs : nausées, vomissements, iléus voire tableau pseudo-occlusif

3) Colique néphrétique compliquée :
  • Colique néphrétique fébrile ou pyélonéphrite aiguë obstructive :

Il s’agit d’une urgence médico-chirurgicale. Elle correspond à des urines infectées en amont d’un calcul obstructif des voies urinaires supérieures et infection du parenchyme rénal.
- Fièvre > 38 °C, frissons 
- Instabilité hémodynamique 
- Insuffisance rénale aiguë fonctionnelle d’origine septique 

- BU positive
  • Colique néphrétique anurique :
- Calculs bilatéraux

- Rein unique
Dans ce cas le risque d'hyperkaliémie est majeur. 
N'oubliez pas l’ECG !
  • Colique néphrétique hyperalgique :
Elle correspond à une douleur de colique néphrétique non calmée par un traitement antalgique symptomatique bien conduit avec utilisation d’AINS IV et de morphiniques IV en titration. Elle nécessite alors une hospitalisation avec réévaluation de la douleur. Si le rythme et l’importance des crises ne cèdent pas, un drainage des urines en urgence est nécessaire.

Parfois, la douleur cède brutalement. Cela correspond à la rupture de la voie excrétrice ou rupture de fornix. Dans ce cas, si l’obstacle persiste, elle peut entraîner un urinome périrénal important, nécessitant également un drainage de la voie excrétrice en urgence. Ne soyez pas faussement rassurer par la sédation de la douleur !
  • QUID de la grossesse ?
La grossesse s'accompagne de modifications physiologiques des voies urinaires. À partir du 2 ème trimestre apparaît une hypotonie des cavités pyélocalicielles, surtout à droite, par modifications hormonales et compression extrinsèque de l'utérus, le plus souvent en dextrorotation.

En cas de crise de colique néphrétique chez une femme enceinte, l'examen radiologique de référence est l'échographie des voies urinaires. Le traitement repose alors sur les antalgiques simples voire les morphiniques si besoin et une bonne hydratation. Les AINS sont contre-indiqués au 3 ème trimestre de la grossesse. En cas de colique néphrétique compliquée, un drainage des urines sera effectué en urgence sous contrôle échographique. La sonde JJ est ensuite changée régulièrement, toutes les 6 semaines jusqu'à l'accouchement.


4) Examens paracliniques :
  • Bilan biologique :
- NFS
- Ionogramme sanguin

- Urée, créatinine
- CRP
- BU +/- ECBU en cas de positivité de la BU
βHCG si femme en âge de procréer
- Hémocultures systématique et répétées en cas d’hyperthermie 
- Hémocultures systématique et répétées en cas d’hyperthermie 
  • Echographie réno-vésicale : 
Elle détecte le mieux les calculs situés à la jonction pyélo-urétérale et urétéro vésicale et surtout si elle est réalisée à vessie pleine. Le calcul apparaît hyperéchogène avec un cône d'ombre postérieur. Elle confirme le diagnostic clinique de colique néphrétique en objectivant une dilatation des cavités pyélocalicielles et/ou de l'uretère. Elle décrit également le parenchyme rénal, un amincissement pouvant être expliqué par un obstacle chronique.
  • Scanner abdomino-pelvien sans injection : 
Il s'agit d'un examen rapide, indépendant du patient et de l'opérateur, mais irradiant. TOUS les calculs sont visibles au scanner, en dehors des calculs médicamenteux. En plus de la visualisation directe du calcul, d'autres signes indirects peuvent aider au diagnostic : dilatation des cavités pyélocalicielles, infiltration de la graisse périrénale ou péri-urétérale, épaississement de la paroi urétérale en regard du calcul.
  • Uroscanner :
Il comprend des clichés sans injection puis avec injection de produit de contraste avec analyse au temps tardif dit excrétoire. Il permet donc de visualiser les voies urinaires excrétrices. En cas de doute sur une réelle obstruction, l'analyse du retard d'excrétion permet souvent de trancher.

Au final, dans le cadre de l'urgence, la colique néphrétique simple requiert le scanner abdomino-pelvien sans injection de produit de contraste (en fonction du plateau technique de chaque hôpital)

5) Prise en charge :
  • Colique néphrétique simple :
Traitement est ambulatoire. L’objectif est de traiter la douleur.

AINS : Kétoprofène (Profénid) 100 mg IV sur 20 min puis 100 mg 3 ×/j 
Palier 1 (Paracétamol) : en association aux AINS en cas de douleurs de faible intensité
Palier 3 (Morphiniques) : en cas de contre-indication aux AINS, en association aux AINS en cas de douleur d’emblée importante, en cas de résistance au traitement par AINS, à utiliser sous forme de titration IV 3 mg/5 minute
Antispasmodiques : Pas de recommandation particulière
Restriction hydrique ou hyperhydratation ? Aucune étude n’a permis de montrer la supériorité d’une des attitudes par rapport à l’autre. Les boissons sont laissées libres en fonction de la soif du patient.
Tamisage des urines : Permet d’envoyer le ou les calcul(s) expulsé(s) en analyse spectrophotométrique.
  • Colique néphrétique compliquée :
Elle nécessite une hospitalisation en urologie, une mise en condition avec pose de voie veineuse périphérique et rééquilibration hydroélectrolytique. Une prise en charge réanimatoire peut être nécessaire. Le bilan préopératoire et la consultation d’anesthésie en urgence ne doivent pas être oubliés.
  
Le traitement est alors chirurgical et consiste à drainer les urines du haut appareil urinaire. Le drainage des urines est dans la majorité des cas assuré par une sonde urétérale, qui peut être interne alors appelée sonde JJ ou externe par voie endoscopique. En cas de sonde JJ, la boucle supérieure trouve sa place au niveau du pyélon et la boucle inférieure dans la vessie. La sonde urétérale externe est souvent préférée à la sonde JJ en cas d’urines pyéliques purulentes. Dans ce cas, la conversion en sonde JJ est en général réalisée après 48 h d’apyrexie. 

En cas d'échec de drainage des urines par les voies naturelles, une néphrostomie percutanée est réalisée sous contrôle échographique. Sa pose nécessite des cavités pyélocalicielles dilatées. À noter que certaines équipes proposent d'emblée la pose de néphrostomie comme moyen de dériver les urines du haut appareil urinaire.

En cas de pyélonéphrite obstructive, une antibiothérapie IV doit être mise en place le plus rapidement possible dès les prélèvements bactériologiques effectués :
- C3G + AMINOSIDE : Ceftriaxone 1 à 2 g/24h IVL + Gentamicine 3 mg/kg/24h IVL 
- Secondairement adaptée à l’antibiogramme 
- Relais per os peut être envisagé à 48 h d’apyrexie 
- Durée totale de 10 à 21 jours

6) À la sortie... : 

- Ordonnance de sortie : 
PARACETAMOL : 1 g x 4 par jour pendant 7 jours

PROFENID : 100 mg x 3 par jour pendant 7 jours
XATRAL LP 10 mg x 1 par jour pendant 7 jours
- Consultation urologique dans les semaines à venir avec : 
Bilan biologique standard de contrôle 
Uroscanner (si non réalisé aux urgences)
- Consignes de filtration des urines avec un filtre à café
- Reconsultation aux urgences si :
Fièvre > 38.5°C non soulagée par le PARACETAMOL
Persistance des douleurs malgré la prise des antalgiques

Impossibilité d'uriner

Hématurie macroscopique  

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Le saviez-vous ? En 2016, le film Mal de pierres de Nicole Garcia met en scène le diagnostic et le traitement des lithiases urinaires. De quoi étayer votre culture cinématographique et médicale !

Docteur C.

Sources : 
https://www.urofrance.org 
https://www.pinterest.fr

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