Douleur thoracique : conduite à tenir
Un motif de consultation fréquent aux urgences : La douleur thoracique
Nombre de patients consultent spontanément aux urgences pour une symptomatologie à type de douleur thoracique. De la jeune femme de 23 ans stressée par l’arrivée d’un examen important à la faculté que le bon vivant de 53 ans. Qu'importe, la prise en charge de ces patients doit être systématisée et systématique afin de ne pas passer à côté d’un diagnostic de gravité. Je vous propose quelques « trucs » afin de ne pas passer à côté de ce qui peut tuer.
1) Historique :
On doit la première description de l’angine de poitrine à William Heberden au XVIII ème siècle, confirmée par Edward Jenner à la fin du XVIII ème siècle après l'étude autopsique de calcifications coronariennes chez un patient décédé à la suite de douleurs thoraciques.
2) Prise en charge clinique :
Lors de l’arrivée d’un patient aux urgences pour douleur thoracique il toujours avoir une vue d’ensemble du patient.
Ce qu'il faut observer chez le patient :
- L'état général du patient :
o Est-il bien coloré ?
o Est-il en sueurs ?
o Est-il polypnéique ?
o Est-il marbré ? (Toujours y associé le TRC et la perfusion des extrémités)
- Les constantes du patient :
o Pression artérielle aux 2 bras :
- Une franche asymétrie tensionnelle peut être en rapport avec une dissection aortique.
- Une hypotension artérielle est un signe de gravité majeur et nécessite une surveillance scopée. Elle est définie par une PAM <65mmHg.
- Une hypertension artérielle est à noter systématiquement dans le sens où elle peut être, un retentissement de la douleur ou à l’origine de la douleur.
o Fréquence cardiaque :
- Une tachycardie ( FC > 90 bpm) doit toujours être recherchée dans le sens où tout comme l’hypertension artérielle elle peut être : un retentissement de la douleur ou à l’origine de la douleur.
- Une bradycardie (FC < 50 bpm) représente un signe sensible et spécifique de gravité. Tout patient présentant une bradycardie doit etre scopé.
o Saturation et fréquence respiratoire :
- La saturation n’a aucune spécificité si elle n’est pas corrélée au calcul de la fréquence respiratoire.
- Devant toute désaturation (SaO2 < 90%) associée à une polypnée le pronostic vital est engagé. Une prise en charge immédiate doit toujours être initiée.
o Echelle numérique de la douleur :
- Il faut TOUJOURS prendre en compte le ressenti de la douleur exprimée par le patient et la surveiller tout au long de la prise en charge
Une fois ces données très simples répertoriées vous aurez une idée de la gravité immédiate de votre patient. Dans tous les cas il faut toujours garder un œil sur un patient consultant pour douleur thoracique.
Les diagnostics devant être systématiquement éliminés chez tout patient consultant pour douleur thoracique sont :
- Syndrome coronarien aigu
- Dissection aortique
- Embolie pulmonaire
- Myo-pericardite
- Pathologies pleuropulmonaires
- Pathologies digestives
Au vu de l’importance de la rapidité de prise en charge des pathologies cardiovasculaires aigues notamment de l’occlusion coronarienne, il faut TOUJOURS réaliser un électro-cardiogramme le plus rapidement possible et il doit TOUJOURS comporter l’analyse en 18 dérivations.
Ce qu'il faut rechercher à l'interrogatoire :
- Systématiquement les facteurs de risque cardiovasculaires :
o Age
o Sexe et ménopause
o Dyslipidémie
o HTA
o Tabac
o Diabète, insulinorésistance
o Sédentarité
o Surcharge pondérale
o Antécédents personnels de maladie cardiovasculaire
o Antécédents familiaux de maladie cardiovasculaire et de mort subite
- L’anamnèse :
o Heure de début des signes
o Survenue brutale ou progressive
o Survenue à l’effort ou non
o Existence de signes associés à la douleur : Palpitations, malaise, sueurs, dyspnée, fièvre…
o Régression spontanée de la douleur, récidive intermittente, persistance...
- Topographie de la douleur :
o Médiothoracique / Basithoracique / Épigastrique / Latéralisée ?
o Irradiations ? Mâchoire / Bras gauche / Bras droit / Dorsale ?
o Reproductible à la mobilisation ?
o Reproductible à la palpation ?
o Reproductible à l’inspiration profonde ?
o Modifiée à la position couchée / assise ?
o Type de douleur : Brûlure/ Oppression / Picotement / Coup de poignard
o Rythme de la douleur : Permanent / Intermittent / Rémanent
o Intensité de la douleur
Ce qu'il faut rechercher à l'examen clinique :
o Examen cardiovasculaire :
- Recherche de souffle vasculaire et cardiaque
- Recherche des pouls aux 4 membres
- Recherche de signe de phlébite
- Recherche de signe de décompensation cardiaque droit ou gauche
o Examen pneumologique :
- Recherche de foyer clinique
- Recherche d’une asymétrie auscultation : arguments pour un pneumothorax / Épanchement pulmonaire
o Examen abdominal :
- Recherche de Murphy
- Recherche de signes associés à un UGD : Rectorragies / Hématémèse / Douleur reproductible à la palpation.
Une fois l’examen clinique et l’ECG réalisé, vous aurez une bonne idée des pathologies potentiellement présentées par votre patient et des examens complémentaires à réaliser.
En cas de récidive douloureuse au cours du passage du patient aux urgences toujours réaliser un ECG per critique à la recherche de modifications électriques.
3) Prise en charge paraclinique :
En l’absence de facteurs de risque cardiovasculaire le risque d’infarctus du myocarde est extrêmement faible. Néanmoins devant toute douleur angineuse typique il est nécessaire de réaliser un cycle de troponines afin d’éliminer de façon formelle une souffrance myocardique aiguë.
Toujours penser à l’embolie pulmonaire. Bien sûr, on ne va pas réaliser d’angioscanner à toutes les jeunes femmes de 17 ans consultant pour une douleur musculaire reproduite à la palpation suite à la pratique de l’aérobic de façon intensive pour un body summer au top. Néanmoins y penser c’est l’éliminer. La symptômatologie étant tellement vaste, devant une tachycardie persistante, une dyspnée, une sensation de malaise toujours réaliser un score de Genève. En cas de probabilité faible ne pas hésiter à doser les D-Dimères. La valeur prédictive négative de l’examen dans cette indication étant excellente vous ne risquerez pas de passer à côté d’une embolie pulmonaire.
La dissection aortique est un diagnostic rare mais de pronostic extrêmement sombre. En cas de suspicion clinique forte, le patient doit d’emblée être surveillé en secteur de réanimation et l’équipe de chirurgie vasculaire avertie. En cas de suspicion faible, que le patient est stable et peu inquiétant mais que le diagnostic vous trotte dans la tête ; aidez-vous des D-Dimères qui ont également une très bonne valeur prédictive négative dans la dissection.
Si vous avez réalisé un dosage de D-Dimères et qu’il est positif : vous devez réaliser un angioscanner pulmonaire. Si la réalisation de l’angioscanner est impossible (allergie aux produits de contraste iodé, insuffisance rénale aiguë…) vous devez d’une façon ou d’une autre éliminer le diagnostic suspecté d’emblée. En cas d’impossibilité il est nécessaire de garder le patient en hospitalisation pour le surveiller.
La radiographie du thorax est un examen simple et non invasif. En cas de doute diagnostic elle vous sera d’une grande aide en particulier à la recherche d’un pneumothorax ou d’un épanchement pleural.
En cas de signes de gravité : Toujours réaliser un gaz du sang avec un dosage de la lactatémie.
L’augmentation de la CRP ou des leucocytes dans un contexte de douleur thoracique n’est pas forcément synonyme de pathologie infectieuse sous jacent. Toute agression systémique peut provoquer une réponse inflammatoire.
EN RÉSUMÉ VOUS DEVEZ REALISER :
Biologie : NFS, ionogramme sanguin, urée, créatinine, CRP, troponines +/- D-Dimères (suspicion d'embolie pulmonaire ou de dissection aortique) +/- BNP (en cas de signes de décompensation cardiaque aiguë associés)
Radiographie du thorax : Recherche de cardiomégalie, de cœur en goutte (épanchement), de foyer de pneumopathie, d’épanchement pleural ou de pneumothorax en fonction de la clinique. Ne pas oublier de doser les BHCG chez les femmes en âge de procréer avant de réaliser la radiographie.
Échographie cardiaque et pulmonaire : Si vous disposez d’un appareil d’échographie dans votre service d’urgence n’hésitez pas à passer un coup d’échographie à la recherche d’un épanchement cardiaque ou pulmonaire. Si vous maîtrisez bien l’échographie cardiaque il est également possible d’étudier la cinétique segmentaire. D'ailleurs... Un article sur l'échographie de débrouillage ça vous dit ?
Angioscanner thoracique : En cas de suspicion d’embolie pulmonaire ou de dissection aortique chez un patient stable hémodynamiquement. On n’envoie jamais au scanner un patient instable sans surveillance. Avant de demander au radiologue la réalisation du scanner toujours vérifier l’absence d’allergie aux produits de contraste iodés, l’insuffisance rénale aiguë, l’absence de grossesse en cours. Les arguments pour demander l’angioscanner doivent être clairs et stratifiés notamment pour la recherche d’embolie pulmonaire (sinon vous allez probablement vous faire disputer par le radiologue) Cliniquement : Anamnèse / Topographie de la douleur / Score de Genève. ECG : Signes droits, S1Q3, tachycardie sinusale. Biologiquement : Effet shunt aux GDS, augmentation des D-Dimères.
4) Quelques anecdotes d'une urgentiste aguerrie... ça vous dit ?
Se méfier de la présentation atypique de l’IDM et répétez les ECG
Il y a quelques années maintenant, en SMUR, j’ai dû intervenir au centre-ville pour une patiente d’une cinquantaine d’années qui se plaignait de douleurs de l’épaule droite. Arrivée sur place, la patiente se roule dans la rue en hurlant que son épaule droite lui brûle. Plus loin, enfermée dans la voiture, nous observant du coin de l'oeil, sa mère. En voyant le tableau, je pense plus au syndrome hystériforme qu’à autre chose. On l’installe donc dans le VSAV des pompiers. Elle se roule dans tous les sens et est très peu coopérative. Un premier ECG 18 dérivations est réalisé : rythme sinusal et régulier sans troubles de conduction ni de repolarisation. On discute, elle se calme un peu, j’essaie de l’examiner et notamment son bras droit qui a l’air de la faire tant souffrir. Subitement, elle hurle à nouveau, la douleur revient et est insupportable. Un deuxième ECG 18 dérivations est réalisé : Sus décalage antéro-apical avec miroir inférieur. L'histoire se termine 10 minutes plus tard sur table de coronarographie et une fois la revascularisation de son IVA réalisée elle s’est avérée être très charmante.
Se méfier constamment de la douleur thoracique. En particulier lorsque la douleur persiste...
Cette histoire se déroule le premier jour de l'internat où je suis désignée pour effectuer la première garde dans un service inconnu avec des médecins inconnus et une organisation inconnue. Une patiente d’une soixantaine d’années tout au plus présentant comme antécédent une hypertension artérielle non traitée et non suivie. Elle n'a jamais mis les pieds dans un hôpital mais là elle était obligée car elle avait bien trop mal dans la poitrine. Toujours se méfier des gens qui ne mettent jamais les pieds à l’hôpital : Lorsqu’ils y sont c’est malheureusement souvent sérieux. La gentille dame se plaint d’une douleur thoracique typique survenue depuis le matin et ne la quittant plus depuis. C'est une douleur décrite comme rétrosternale, constrictive et sans irradiation. L’examen clinique retrouve une tachycardie régulière aux alentours de 100 bpm, la pression artérielle symétrique à 170/100 mmhg, il n'y a pas de signe d'instabilité hémodynamique ni de dyspnée. En bonne élève, je me lance dans la réalisation d'un ECG 18 dérivations qui retrouve un rythme sinusal et régulier sans trouble de conduction ni de replarisation. Le bilan biologique est sans particularité avec un cycle de Troponines normal. Les D-Dimeres ne sont pas réalisés parce que je ne retrouvais aucun argument clinique pour une embolie pulmonaire (même si c'est vrai, l'embolie pulmonaire peut parfois ne ressembler à... rien). La radiographie du thorax est sans particularité. Je vais revoir la patiente qui a bénéficié d’une antalgie par PARACETAMOL et TRAMADOL et elle dit être soulagée mais un fond douloureux persiste néanmoins. J'en discute avec mon chef et la réponse est univoque : "Elle sort !". Ne me sentant pas très rassurée en ce premier jour d’internat j’appelle, fleur au fusil, le cardiologue. Il ne comprend pas trop ce que je lui veux et à vrai dire... moi non plus je ne sais pas trop ce que je cherche. Il refait un tour du dossier : rien à signaler. Il me propose de lui réaliser une échocardiographie. Chouette ! Cet examen aura été décisif pour l’avenir de la patiente… Dissection aortique ! Le cardiologue l’annonce à la patiente et là : Tempête catécholaminergique avec poussée hypertensive majeure, aggravation de la dissection aortique puis arrêt cardiaque avant d’arriver au bloc opératoire. Malheureusement elle ne survivra pas... Morale de l’histoire : On ne fait pas sortir un patient qui présente une douleur thoracique typique qui n’est pas soulagée par le traitement antalgique effectué.
La gastro-entérite du diabétique de 60 ans est un SCA jusqu’à preuve du contraire
Pas plus tard qu’il y a 2 semaines, je vois une patiente d'une soixantaine d'années qui se présente aux urgences dans un contexte de vomissements répétés depuis 2h. Elle est obèse et présente un diabète de type 2, une dyslipidémie et une hypertension artérielle. Elle ne présente pas de douleur mais une asthénie intense avec sensation de faiblesse généralisée. L'ECG retrouve un sous-décalage du segment ST en inférieur sans miroir. Un cycle de troponines est réalisé : 45 ng/L puis 150 ng/L. Il s'agit donc d'une sténose de la circonflexe revascularisée en urgence. Madame va bien fort heureusement.
Essentiel : Lorsqu’on demande des examens complémentaires on les regarde !
Il s’agit cette fois d’un homme d’une vingtaine d’année, sans antécédents, sportif, qui consultait pour des douleurs latérothoraciques gauches dans les suites d’un déménagement. La douleur est reproduite à l’inspiration profonde ainsi qu’aux mouvements de l’épaule sur le bras... d’allure pariétale. L'ECG et le bilan biologique sont sans particularités. L'interne me présente le dossier et me propose un retour au domicile avec antalgiques et conseils de reconsultation. Parfait. Je jette tout de même un œil au dossier et là… : Je retrouve une radiographie du thorax sur laquelle on retrouve un magnifique pneumothorax complet. La radiographie de thorax n’était peut-être pas indispensable et ne pas l’avoir fait n'aurait pas pu être reproché mais par contre si le patient était ressorti avec cette radiographie thoracique et sans prise en charge... Bonjour les ennuis.
Et pour finir : On donne les consignes de reconsultation
Il s’agit d’une triste histoire qui m’a été contée récemment. Une femme de 40 ans consultant pour douleur thoracique, elle n'a pas d'antécédents et présente un tabagisme actif. L'examen clinique est rassurant. Le bilan biologique retrouve des D-Dimères augmentés ayant justifié la réalisation d’un angioscanner thoracique qui ne retrouve pas d'embolie pulmonaire ni d'autres anomalies par ailleurs. Le cycle des troponines est négatif. Après avoir été soulagée, la patiente rentre au domicile. 48h plus tard : Appel de sa fille de 14 ans au centre 15. Sa maman est en arrêt Cardio-respiratoire et elle a débuté le massage cardiaque externe. Les douleurs avaient repris mais elle n’avait pas voulu appeler afin de ne pas «déranger». Cette dame est décédée malgré les efforts de sa fille pour tenter de la sauver... Ici, la prise en charge médicale aboutie avec des examens réalisés qui sont cohérents et interprétés. Néanmoins, chez un patient à risque, il faut toujours donner des consignes claires de reconsultation et d’appel du 15. En cas de récidive de douleur thoracique : appel du 15. En effet, ce n’est pas parce qu'à un temps donné l’ensemble des examens est normal qu’il ne se passe rien... Il faut toujours garder à l'esprit que les patients ne consultent jamais pour rien et derrière toute plainte il y a une détresse qu’il convient en tant que médecin d’explorer.
À bientôt pour un article sur la prise en charge des différents diagnostics cités.
Docteur S.
Sources :
https://www.sfmu.org/fr
https://sfcardio.fr
Un motif de consultation fréquent aux urgences : La douleur thoracique
Nombre de patients consultent spontanément aux urgences pour une symptomatologie à type de douleur thoracique. De la jeune femme de 23 ans stressée par l’arrivée d’un examen important à la faculté que le bon vivant de 53 ans. Qu'importe, la prise en charge de ces patients doit être systématisée et systématique afin de ne pas passer à côté d’un diagnostic de gravité. Je vous propose quelques « trucs » afin de ne pas passer à côté de ce qui peut tuer.
1) Historique :
On doit la première description de l’angine de poitrine à William Heberden au XVIII ème siècle, confirmée par Edward Jenner à la fin du XVIII ème siècle après l'étude autopsique de calcifications coronariennes chez un patient décédé à la suite de douleurs thoraciques.
2) Prise en charge clinique :
Lors de l’arrivée d’un patient aux urgences pour douleur thoracique il toujours avoir une vue d’ensemble du patient.
Ce qu'il faut observer chez le patient :
- L'état général du patient :
o Est-il bien coloré ?
o Est-il en sueurs ?
o Est-il polypnéique ?
o Est-il marbré ? (Toujours y associé le TRC et la perfusion des extrémités)
- Les constantes du patient :
o Pression artérielle aux 2 bras :
- Une franche asymétrie tensionnelle peut être en rapport avec une dissection aortique.
- Une hypotension artérielle est un signe de gravité majeur et nécessite une surveillance scopée. Elle est définie par une PAM <65mmHg.
- Une hypertension artérielle est à noter systématiquement dans le sens où elle peut être, un retentissement de la douleur ou à l’origine de la douleur.
o Fréquence cardiaque :
- Une tachycardie ( FC > 90 bpm) doit toujours être recherchée dans le sens où tout comme l’hypertension artérielle elle peut être : un retentissement de la douleur ou à l’origine de la douleur.
- Une bradycardie (FC < 50 bpm) représente un signe sensible et spécifique de gravité. Tout patient présentant une bradycardie doit etre scopé.
o Saturation et fréquence respiratoire :
- La saturation n’a aucune spécificité si elle n’est pas corrélée au calcul de la fréquence respiratoire.
- Devant toute désaturation (SaO2 < 90%) associée à une polypnée le pronostic vital est engagé. Une prise en charge immédiate doit toujours être initiée.
o Echelle numérique de la douleur :
- Il faut TOUJOURS prendre en compte le ressenti de la douleur exprimée par le patient et la surveiller tout au long de la prise en charge
Une fois ces données très simples répertoriées vous aurez une idée de la gravité immédiate de votre patient. Dans tous les cas il faut toujours garder un œil sur un patient consultant pour douleur thoracique.
Les diagnostics devant être systématiquement éliminés chez tout patient consultant pour douleur thoracique sont :
- Syndrome coronarien aigu
- Dissection aortique
- Embolie pulmonaire
- Myo-pericardite
- Pathologies pleuropulmonaires
- Pathologies digestives
Au vu de l’importance de la rapidité de prise en charge des pathologies cardiovasculaires aigues notamment de l’occlusion coronarienne, il faut TOUJOURS réaliser un électro-cardiogramme le plus rapidement possible et il doit TOUJOURS comporter l’analyse en 18 dérivations.
Ce qu'il faut rechercher à l'interrogatoire :
- Systématiquement les facteurs de risque cardiovasculaires :
o Age
o Sexe et ménopause
o Dyslipidémie
o HTA
o Tabac
o Diabète, insulinorésistance
o Sédentarité
o Surcharge pondérale
o Antécédents personnels de maladie cardiovasculaire
o Antécédents familiaux de maladie cardiovasculaire et de mort subite
- L’anamnèse :
o Heure de début des signes
o Survenue brutale ou progressive
o Survenue à l’effort ou non
o Existence de signes associés à la douleur : Palpitations, malaise, sueurs, dyspnée, fièvre…
o Régression spontanée de la douleur, récidive intermittente, persistance...
- Topographie de la douleur :
o Médiothoracique / Basithoracique / Épigastrique / Latéralisée ?
o Irradiations ? Mâchoire / Bras gauche / Bras droit / Dorsale ?
o Reproductible à la mobilisation ?
o Reproductible à la palpation ?
o Reproductible à l’inspiration profonde ?
o Modifiée à la position couchée / assise ?
o Type de douleur : Brûlure/ Oppression / Picotement / Coup de poignard
o Rythme de la douleur : Permanent / Intermittent / Rémanent
o Intensité de la douleur
Ce qu'il faut rechercher à l'examen clinique :
o Examen cardiovasculaire :
- Recherche de souffle vasculaire et cardiaque
- Recherche des pouls aux 4 membres
- Recherche de signe de phlébite
- Recherche de signe de décompensation cardiaque droit ou gauche
o Examen pneumologique :
- Recherche de foyer clinique
- Recherche d’une asymétrie auscultation : arguments pour un pneumothorax / Épanchement pulmonaire
o Examen abdominal :
- Recherche de Murphy
- Recherche de signes associés à un UGD : Rectorragies / Hématémèse / Douleur reproductible à la palpation.
Une fois l’examen clinique et l’ECG réalisé, vous aurez une bonne idée des pathologies potentiellement présentées par votre patient et des examens complémentaires à réaliser.
En cas de récidive douloureuse au cours du passage du patient aux urgences toujours réaliser un ECG per critique à la recherche de modifications électriques.
3) Prise en charge paraclinique :
En l’absence de facteurs de risque cardiovasculaire le risque d’infarctus du myocarde est extrêmement faible. Néanmoins devant toute douleur angineuse typique il est nécessaire de réaliser un cycle de troponines afin d’éliminer de façon formelle une souffrance myocardique aiguë.
Toujours penser à l’embolie pulmonaire. Bien sûr, on ne va pas réaliser d’angioscanner à toutes les jeunes femmes de 17 ans consultant pour une douleur musculaire reproduite à la palpation suite à la pratique de l’aérobic de façon intensive pour un body summer au top. Néanmoins y penser c’est l’éliminer. La symptômatologie étant tellement vaste, devant une tachycardie persistante, une dyspnée, une sensation de malaise toujours réaliser un score de Genève. En cas de probabilité faible ne pas hésiter à doser les D-Dimères. La valeur prédictive négative de l’examen dans cette indication étant excellente vous ne risquerez pas de passer à côté d’une embolie pulmonaire.
La dissection aortique est un diagnostic rare mais de pronostic extrêmement sombre. En cas de suspicion clinique forte, le patient doit d’emblée être surveillé en secteur de réanimation et l’équipe de chirurgie vasculaire avertie. En cas de suspicion faible, que le patient est stable et peu inquiétant mais que le diagnostic vous trotte dans la tête ; aidez-vous des D-Dimères qui ont également une très bonne valeur prédictive négative dans la dissection.
Si vous avez réalisé un dosage de D-Dimères et qu’il est positif : vous devez réaliser un angioscanner pulmonaire. Si la réalisation de l’angioscanner est impossible (allergie aux produits de contraste iodé, insuffisance rénale aiguë…) vous devez d’une façon ou d’une autre éliminer le diagnostic suspecté d’emblée. En cas d’impossibilité il est nécessaire de garder le patient en hospitalisation pour le surveiller.
La radiographie du thorax est un examen simple et non invasif. En cas de doute diagnostic elle vous sera d’une grande aide en particulier à la recherche d’un pneumothorax ou d’un épanchement pleural.
En cas de signes de gravité : Toujours réaliser un gaz du sang avec un dosage de la lactatémie.
L’augmentation de la CRP ou des leucocytes dans un contexte de douleur thoracique n’est pas forcément synonyme de pathologie infectieuse sous jacent. Toute agression systémique peut provoquer une réponse inflammatoire.
EN RÉSUMÉ VOUS DEVEZ REALISER :
Biologie : NFS, ionogramme sanguin, urée, créatinine, CRP, troponines +/- D-Dimères (suspicion d'embolie pulmonaire ou de dissection aortique) +/- BNP (en cas de signes de décompensation cardiaque aiguë associés)
Radiographie du thorax : Recherche de cardiomégalie, de cœur en goutte (épanchement), de foyer de pneumopathie, d’épanchement pleural ou de pneumothorax en fonction de la clinique. Ne pas oublier de doser les BHCG chez les femmes en âge de procréer avant de réaliser la radiographie.
Échographie cardiaque et pulmonaire : Si vous disposez d’un appareil d’échographie dans votre service d’urgence n’hésitez pas à passer un coup d’échographie à la recherche d’un épanchement cardiaque ou pulmonaire. Si vous maîtrisez bien l’échographie cardiaque il est également possible d’étudier la cinétique segmentaire. D'ailleurs... Un article sur l'échographie de débrouillage ça vous dit ?
Angioscanner thoracique : En cas de suspicion d’embolie pulmonaire ou de dissection aortique chez un patient stable hémodynamiquement. On n’envoie jamais au scanner un patient instable sans surveillance. Avant de demander au radiologue la réalisation du scanner toujours vérifier l’absence d’allergie aux produits de contraste iodés, l’insuffisance rénale aiguë, l’absence de grossesse en cours. Les arguments pour demander l’angioscanner doivent être clairs et stratifiés notamment pour la recherche d’embolie pulmonaire (sinon vous allez probablement vous faire disputer par le radiologue) Cliniquement : Anamnèse / Topographie de la douleur / Score de Genève. ECG : Signes droits, S1Q3, tachycardie sinusale. Biologiquement : Effet shunt aux GDS, augmentation des D-Dimères.
4) Quelques anecdotes d'une urgentiste aguerrie... ça vous dit ?
Se méfier de la présentation atypique de l’IDM et répétez les ECG
Il y a quelques années maintenant, en SMUR, j’ai dû intervenir au centre-ville pour une patiente d’une cinquantaine d’années qui se plaignait de douleurs de l’épaule droite. Arrivée sur place, la patiente se roule dans la rue en hurlant que son épaule droite lui brûle. Plus loin, enfermée dans la voiture, nous observant du coin de l'oeil, sa mère. En voyant le tableau, je pense plus au syndrome hystériforme qu’à autre chose. On l’installe donc dans le VSAV des pompiers. Elle se roule dans tous les sens et est très peu coopérative. Un premier ECG 18 dérivations est réalisé : rythme sinusal et régulier sans troubles de conduction ni de repolarisation. On discute, elle se calme un peu, j’essaie de l’examiner et notamment son bras droit qui a l’air de la faire tant souffrir. Subitement, elle hurle à nouveau, la douleur revient et est insupportable. Un deuxième ECG 18 dérivations est réalisé : Sus décalage antéro-apical avec miroir inférieur. L'histoire se termine 10 minutes plus tard sur table de coronarographie et une fois la revascularisation de son IVA réalisée elle s’est avérée être très charmante.
Se méfier constamment de la douleur thoracique. En particulier lorsque la douleur persiste...
Cette histoire se déroule le premier jour de l'internat où je suis désignée pour effectuer la première garde dans un service inconnu avec des médecins inconnus et une organisation inconnue. Une patiente d’une soixantaine d’années tout au plus présentant comme antécédent une hypertension artérielle non traitée et non suivie. Elle n'a jamais mis les pieds dans un hôpital mais là elle était obligée car elle avait bien trop mal dans la poitrine. Toujours se méfier des gens qui ne mettent jamais les pieds à l’hôpital : Lorsqu’ils y sont c’est malheureusement souvent sérieux. La gentille dame se plaint d’une douleur thoracique typique survenue depuis le matin et ne la quittant plus depuis. C'est une douleur décrite comme rétrosternale, constrictive et sans irradiation. L’examen clinique retrouve une tachycardie régulière aux alentours de 100 bpm, la pression artérielle symétrique à 170/100 mmhg, il n'y a pas de signe d'instabilité hémodynamique ni de dyspnée. En bonne élève, je me lance dans la réalisation d'un ECG 18 dérivations qui retrouve un rythme sinusal et régulier sans trouble de conduction ni de replarisation. Le bilan biologique est sans particularité avec un cycle de Troponines normal. Les D-Dimeres ne sont pas réalisés parce que je ne retrouvais aucun argument clinique pour une embolie pulmonaire (même si c'est vrai, l'embolie pulmonaire peut parfois ne ressembler à... rien). La radiographie du thorax est sans particularité. Je vais revoir la patiente qui a bénéficié d’une antalgie par PARACETAMOL et TRAMADOL et elle dit être soulagée mais un fond douloureux persiste néanmoins. J'en discute avec mon chef et la réponse est univoque : "Elle sort !". Ne me sentant pas très rassurée en ce premier jour d’internat j’appelle, fleur au fusil, le cardiologue. Il ne comprend pas trop ce que je lui veux et à vrai dire... moi non plus je ne sais pas trop ce que je cherche. Il refait un tour du dossier : rien à signaler. Il me propose de lui réaliser une échocardiographie. Chouette ! Cet examen aura été décisif pour l’avenir de la patiente… Dissection aortique ! Le cardiologue l’annonce à la patiente et là : Tempête catécholaminergique avec poussée hypertensive majeure, aggravation de la dissection aortique puis arrêt cardiaque avant d’arriver au bloc opératoire. Malheureusement elle ne survivra pas... Morale de l’histoire : On ne fait pas sortir un patient qui présente une douleur thoracique typique qui n’est pas soulagée par le traitement antalgique effectué.
La gastro-entérite du diabétique de 60 ans est un SCA jusqu’à preuve du contraire
Pas plus tard qu’il y a 2 semaines, je vois une patiente d'une soixantaine d'années qui se présente aux urgences dans un contexte de vomissements répétés depuis 2h. Elle est obèse et présente un diabète de type 2, une dyslipidémie et une hypertension artérielle. Elle ne présente pas de douleur mais une asthénie intense avec sensation de faiblesse généralisée. L'ECG retrouve un sous-décalage du segment ST en inférieur sans miroir. Un cycle de troponines est réalisé : 45 ng/L puis 150 ng/L. Il s'agit donc d'une sténose de la circonflexe revascularisée en urgence. Madame va bien fort heureusement.
Essentiel : Lorsqu’on demande des examens complémentaires on les regarde !
Il s’agit cette fois d’un homme d’une vingtaine d’année, sans antécédents, sportif, qui consultait pour des douleurs latérothoraciques gauches dans les suites d’un déménagement. La douleur est reproduite à l’inspiration profonde ainsi qu’aux mouvements de l’épaule sur le bras... d’allure pariétale. L'ECG et le bilan biologique sont sans particularités. L'interne me présente le dossier et me propose un retour au domicile avec antalgiques et conseils de reconsultation. Parfait. Je jette tout de même un œil au dossier et là… : Je retrouve une radiographie du thorax sur laquelle on retrouve un magnifique pneumothorax complet. La radiographie de thorax n’était peut-être pas indispensable et ne pas l’avoir fait n'aurait pas pu être reproché mais par contre si le patient était ressorti avec cette radiographie thoracique et sans prise en charge... Bonjour les ennuis.
Et pour finir : On donne les consignes de reconsultation
Il s’agit d’une triste histoire qui m’a été contée récemment. Une femme de 40 ans consultant pour douleur thoracique, elle n'a pas d'antécédents et présente un tabagisme actif. L'examen clinique est rassurant. Le bilan biologique retrouve des D-Dimères augmentés ayant justifié la réalisation d’un angioscanner thoracique qui ne retrouve pas d'embolie pulmonaire ni d'autres anomalies par ailleurs. Le cycle des troponines est négatif. Après avoir été soulagée, la patiente rentre au domicile. 48h plus tard : Appel de sa fille de 14 ans au centre 15. Sa maman est en arrêt Cardio-respiratoire et elle a débuté le massage cardiaque externe. Les douleurs avaient repris mais elle n’avait pas voulu appeler afin de ne pas «déranger». Cette dame est décédée malgré les efforts de sa fille pour tenter de la sauver... Ici, la prise en charge médicale aboutie avec des examens réalisés qui sont cohérents et interprétés. Néanmoins, chez un patient à risque, il faut toujours donner des consignes claires de reconsultation et d’appel du 15. En cas de récidive de douleur thoracique : appel du 15. En effet, ce n’est pas parce qu'à un temps donné l’ensemble des examens est normal qu’il ne se passe rien... Il faut toujours garder à l'esprit que les patients ne consultent jamais pour rien et derrière toute plainte il y a une détresse qu’il convient en tant que médecin d’explorer.
À bientôt pour un article sur la prise en charge des différents diagnostics cités.
Docteur S.
Sources :
https://www.sfmu.org/fr
https://sfcardio.fr
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